Le récit

Tour du Jotunheimen en Norvège – Terre des Géants

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Grève des pilotes à la Lufthansa, deux jours avant notre départ… Le voyage commence par deux jours de lutte pour être replacé sur un vol d’une autre compagnie avec des horaires qui s’enchaîneront avec notre programme. Car une fois arrivés à Oslo, nous avons un bus pour le village de Fagernes, où nous avons réservé une nuitée, puis le lendemain, un autre bus pour Gjendesheim qui se poursuit avec une traversée en bateau du lac Gjende… Tout est déjà réservé. Si nous arrivons bien à Oslo le jour prévu, ce n’est pas le cas de notre sac en soute, nouveau stress… Nous croisons les doigts pour qu’il arrive avec le vol suivant en début d’après-midi, nous avons une petite marge avant le départ du bus.

Lorsque nous arrivons, avec notre sac, dans notre mini chalet au camping de Fagernes, nous soufflons enfin. Les vacances en Norvège commencent dans ce village paisible au bord du lac Strondafjorden.

Traversée du lac Gjende

Le lendemain, nous rejoignons Gjendesheim au bord du lac Gjende qui marque l’entrée du Parc National Jotunheimen. Nous effectuons une traversée du lac en bateau, pour atteindre le cœur du parc, au refuge Gjendebu. Nous installons notre tente non loin, au bord de l’eau. Nous passons une partie de la soirée dans le confortable salon du refuge autour d’une bière pour fêter le départ. Nous sommes en septembre, il n’y a pas foule, l’ambiance est au calme. Nous regagnons la tente pour préparer le repas au réchaud à bois, sous le soleil couchant. Le paysage est magique.


Jour 1 : Refuge Gjendebu – Lac Langedlastjernet
6h50 | 22,1km | +1 050/-525m

Nous laissons un colis de nourriture au refuge pour nous alléger. Nous repasserons par ici dans quelques jours. Nous partons avec seulement cinq jours de vivre. Le gardien nous indique une dépendance (le refuge à plusieurs annexes) où il est possible de laisser des affaires. Mais nous avons peur que les souris s’attaquent à nos provisions. Il accepte de prendre notre colis dans le garde-manger de la cuisine du refuge.

Une balance permet de peser les sacs à dos des randonneurs. Les nôtres pèsent 10 et 13 kg. L’itinéraire commence par un contournement de l’extrémité du lac pour rejoindre le pied d’une vallée suspendue. Très présentes dans le massif, il s’agit de petites vallées creusées par les glaciers à l’époque glaciaire, qui se jettent dans d’immenses vallées glaciaires. La montée est raide, nous prenons vite de l’altitude avec une vue sur le lac Gjende et le refuge Gjendebu. Comme hier, il fait grand beau.

Le lac Gjende et le refuge Gjendebu

Une fois sur les hauteurs, nous suivons la vallée étroite Svartdalen, bordée de hauts sommets et de quelques glaciers. Nous longeons de longs lacs dans un environnement minéral. La brise qui s’engouffre dans cette vallée nous refroidit malgré le soleil. Pour midi, nous nous abritons derrière des rochers. En dehors des Allemands qui ont passé comme nous la nuit Gjendebu, nous croisons peu de randonneurs.

Au bout de la vallée, le sentier descend vers le grand lac Bygdin. Le panorama ouvert permet d’appréhender l’ampleur de son immensité et de ses 25 kilomètres de long. Nous effectuons une pause au refuge non gardé Torfinnsbu situé au bord du lac. Il n’y a personne en ce milieu d’après-midi, on dirait un refuge fantôme. L’étape de demain étant longue, nous décidons de prolonger celle d’aujourd’hui et d’aller bivouaquer plus loin au bord d’un lac.

Bivouac au lac Langedlastjernet

Nous reprenons de l’altitude. Pour un premier jour de marche, avec les sacs à dos pleins, les jambes commencent à se faire sentir. En reprenant de la hauteur, l’environnement redevient minéral. A l’approche du lac, il y a des cailloux partout. Heureusement, une fois sa rive atteinte, le terrain est plus dégagé et nous pouvons installer notre grande tente. Pour cette destination pluvieuse et venteuse, nous avons opté pour une tente tunnel deux places avec un grand vestibule. A l’intérieur, c’est un palace, nous n’avons jamais eu une tente si spacieuse. Au moins, si nous nous retrouvons bloqués par le mauvais temps, nous ne serons pas à l’étroit. Mais ça ne sera pas pour ce soir. Notre spot de bivouac est splendide. Face au lac, bordé de sommets à la roche noire et illuminé par le soleil, nous profitons de la soirée au coin du feu (du réchaud à bois).


Jour 2 : Lac Langedlastjernet – Refuge Fondsbu
6h10 | 19,4km | +260/-675m

Il y a un peu de givre sur la tente au réveil, il fait 3°C. Au lever du soleil, le panorama est tout aussi beau que la veille, si ce n’est plus. Le matin, pour ne pas perdre trop de temps à allumer un feu, nous utilisons notre réchaud à alcool pour préparer le thé et se rechauffer.

Nous restons sur les hauteurs et longeons de nouveaux petits lacs d’altitude à l’eau translucide. Nous sommes plongés dans une ambiance de haute montagne et franchissons notre premier vrai col, à 1 695 mètres d’altitude. Tout est minéral avec des glaciers accrochés sur les pentes des sommets. De l’autre côté du col s’étend le lac Uksedalstjernet d’un bleu profond, encastré dans une étroite vallée. Nous devons le longer, mais il n’y a pas de sentier. Nous progressons dans un chaos de blocs rocheux. Il nous faut près de trois-quarts d’heure pour atteindre son extrémité.

Le lac Uksedalstjernet

Par la suite, nous gagnons la large et grande vallée Veslådalen, plus verdoyante et fleurie. Elle contraste complètement avec ce que nous avons traversé au matin. Elle nous permet de perdre de l’altitude et de retrouver la rive du lac Bygdin. Un chemin au milieu de myrtilliers longe le lac jusqu’au hameau Eidsbugarden. Ce secteur historique est un haut lieu du Jothunheim qui a vu le premier refuge du parc en 1868. Nous croisons ici quelques groupes de randonneurs.

Maisons typiques à Eidsbugarden

Après avoir profité de la terrasse ensoleillée du refuge Fondsbu, nous allons nous installer à l’écart du hameau, de l’autre côté du parking, abrités derrière des arbustes. Nous avons ce soir une jolie vue sur le lac Bygdin et un petit cours d’eau pour la toilette du soir.


Jour 3 : Refuge Fondsbu – Vallée Uradalen
8h15 | 24,2km | +890/-745m

Nous essayons de tirer une ligne droite de notre bivouac à la sortie du hameau pour éviter 700 mètres de bitume. Mais cela s’avère vite une mauvaise idée. Nous sommes pris dans des tourbières. Pour ne pas se retrouver avec les chaussures et bas de pantalons trempés au petit matin (il ne fait pas chaud), nous rebroussons chemin pour gagner la route et traverser Eidsbugarden. Le sentier nous conduit rapidement sur les hauteurs où un premier lac, d’une longue série, fait son apparition. Entre la roche, les lacs en étage, le panorama est époustouflant à peine le hameau quitté.

Cela fait déjà 5 jours que nous sommes en Norvège et que le soleil brille. Nous ne nous attendions pas à avoir une si belle météo. Nous n’avons pas prévu de crème solaire et nos visages commencent à bien rougir. Et dire que j’étais prêt à faire l’impasse des lunettes de soleil avant de partir…

Les hauts plateaux du Jotunheimen

Malgré le beau temps, avec l’altitude, la présence des glaciers et le petit vent, nous restons couverts, il fait frais. Nous marchons déjà depuis plusieurs heures, le panorama est spectaculaire et lunaire, avec cette sensation d’être loin de tout dans des montagnes isolées du bout du monde, quand tout à coup, un caniche débarque… Arrivée de nulle part, une famille norvégienne en short et t-shirt descend par un éboulis et arrive à notre niveau. Nous en restons sans mot.

Nous continuons d’errer dans notre monde. Au col qui domine le lac Kvitevatnet d’un bleu vif, nous effectuons une pause. Pendant que Célia fait une petite sieste, j’effectue un aller-retour vers le glacier Uranosbreen. Sa langue glaciaire est juste face à moi, séparée par un petit lac laiteux. Le spectable est grandiose. Il y a tellement de beaux coins à explorer dans le secteur, qu’il serait possible d’installer un camp de base et de randonner en étoile durant plusieurs jours.

Face au glacier Uranosbreen

Nous longeons le lac Kvitevatnet au milieu de blocs rocheux, comme hier, mais en plus rapide. Au bout, une fois un petit col franchi, nous rentrons dans une nouvelle vallée, celle d’Urdalen, qui nous fait vite revenir dans une ambiance plus verdoyante. Nous passons quelques tourbières et suivons la rivière jusqu’à trouver un coin adapté pour le bivouac. Avec notre tente qui mesure 4,30 mètres de long, nous ne pouvons pas nous installer n’importe où. Terrain plat, myrtilliers et rivière à proximité, avec un panorama sur la vallée et au fond, des sommets et des glaciers, notre bivouac de ce soir est à nouveau magique.


Jour 4 : Vallée Uradalen – Refuge Olavsbu
8h00 | 25,6km | +755/-520m

Que se passe-t-il ? Le ciel est gris ! En réalité, nous ne sommes pas vraiment surpris, nous avions profité d’avoir du réseau à Eidsbugarden pour consulter la météo. Le bon côté, c’est que nous avons également vu que ce n’était que passager.

Nous perdons beaucoup d’altitude pour descendre jusqu’au point le plus bas du circuit à 830 mètres d’altitude. Nous pénétrons dans une forêt de bouleaux pour arriver au très beau refuge Skogadalsbøen avec ses toits végétalisés. Encore un refuge fantôme, nous ne voyons personne. Il vient de fermer en cette fin de saison, il est maintenant en gestion libre. Nous examinons les cartes et décidons d’adapter notre itinéraire à la météo. Plutôt que de repartir pour une haute vallée, nous allons continuer dans la vallée Utladalen à basse altitude, afin d’être plus abrité. Nous gagnerons ainsi le prochain refuge par un itinéraire plus direct. Inutile de faire des détours par cette météo qui offre peu de visibilité.

La vallée Storutadalen

Nous restons ainsi un petit moment dans les bois, il fait moins froid et nous sommes protégés du vent. Nous en profitons pour découvrir un nouvel environnement du Jotunheimen. Cela nous fait faire une pause cailloux et nous change des paysages des jours précédents. Une fois la barre des 1 000 mètres d’altitude passée, nous marchons d’un bon pas sans vraiment nous arrêter. Il ne pleut pas, mais tout est humide et nous avons le vent de face.

Le refuge Olavsbu atteint, il est notre sauveur. Il est cosy, non gardé et son poêle est déjà allumé. Trois personnes sont présentes. Nous passons une soirée au chaud et confortablement installés. Nous profitons du garde-manger du refuge pour acheter quelques provisions et compléter notre repas. Il est découpé en plusieurs petits dortoirs de 4 personnes. Avec si peu de monde, nous avons droit à une chambre privative (je déteste les dortoirs des refuges, il y a toujours un ronfleur…).

Le refuge Olavsbu

Dans le livre d’or, une personne raconte son épopée pour arriver jusqu’ici. Avec ses amis, ils étaient partis d’Eidsbugarden vers 14h30, pour atteindre le refuge dans la soirée (itinéraire différent du nôtre). Pris par le mauvais temps, la neige et la nuit, ils sont finalement arrivés à l’aube vers 6h30 ! Le Jotunheimen peut réserver beaucoup de surprises ! A lire les différentes pages du livre, nombreux sont ceux qui remercient le refuge de les avoir accueillis dans leurs épopées.


Jour 5 : Refuge Olavsbu – Refuge Gjendebu
5h15 | 18,1km | +230/-670m

Le sommeil a été profond cette nuit et il fait bon dans le refuge au réveil, contrairement à l’extérieur. Ca caille, il y a un vent glacial et le ciel est encore couvert, il devrait s’éclaircir en cours de journée.

Le ciel est bas, mais il y a de belles couleurs et il donne une ambiance mystérieuse aux paysages. Les sommets ont leurs têtes dans les nuages et les lacs ont leurs eaux sombres leur donnant une profondeur d’abysses. En chemin, nous relevons des traces d’animaux, celles de rennes. Ce n’est pas les premières que nous voyons, mais pour l’instant, les rennes sont restés invisibles, nous n’en avons pas encore aperçus. Où se cachent-ils ?

Arrivés au bout du plateau, nous quittons le sentier pour un passage en hors sentier. Le but est de rejoindre le petit sommet Gjendetunga. Nous effectuons une large boucle pour éviter des zones humides. Ce passage en hors sentier est superbe, avec une belle vue sur le glacier Slettmarkbrean. Au sommet, le panorama est grandiose à 360°. Il offre une perspective impressionnante sur le lac Gjende avec en contrebas le refuge Gjendebu, ainsi que sur l’immense plateau que nous venons de traverser.

Au sommet du Gjendetunga

Après une descente raide, nous retrouvons le refuge Gjendebu que nous avions quitté, il y a 5 jours. Il est tôt, 14h30, cela nous laisse le temps de profiter des douches chaudes et d’effectuer une lessive. Le refuge disposant d’une salle de séchage chauffée et ventilée, nos vêtements seront secs pour demain. Il y fait tellement bon, que nous pourrions y passer la soirée. D’ailleurs, nous ne devons pas être les premiers à nous faire la réflexion, il y a une chaise qui traîne dans le coin de la pièce. Nous récupérons ensuite notre colis de nourriture que nous répartissons dans nos sacs à dos. Nous voilà à nouveau chargés avec environ 5 jours de vivres.

Au refuge Gjendebu

Nous profitons du salon du refuge pour nous reposer et passer la fin de journée au chaud avec une bière locale. Le bulletin météo est affiché à l’accueil du refuge. Il est prévu un ciel voilé pour demain, suivi d’une grande journée ensoleillée, avant l’arrivée de précipitations. Nous établissons nos prochaines étapes en fonction de cela. Nous prévoyons de rejoindre dès demain le refuge Spiterstulen en une étape, au lieu d’une et demie, afin d’avoir une belle fenêtre météo pour l’ascension du Galdhøpiggen le jour suivant. Nous terminons la soirée au bord du lac, où nous avons installé notre tente.


Jour 6 : Refuge Gjendebu – Refuge Spiterstulen
7h45 | 27,1km | +760/-625m

Réveil matinal pour cette longue étape annoncée à 9 heures de marche. Nous repesons nos sacs à dos avant de partir, ils sont un peu plus lourds que la dernière fois, environ 12 et 14 kg. Mais nous sommes en meilleure forme qu’il y a 5 jours.

Nous commençons par remonter la vallée verdoyante Storådalen le long de sa rivière. Nous gagnons ensuite la vallée suspendue Urdadalen. Comme hier, le ciel est bas, coloré et plonge cette étroite vallée dans une ambiance ténébreuse et mystique. Nous marchons dans un environnement minéral agrémenté de lacs et de glaciers. A deux reprises, nous entendons des pierres tomber dans des éboulis qui nous surplombent, mais nous ne voyons rien. Seule la présence des traces de sabots au bord d’un lac nous laisse supposer qu’un renne ou un élan se trouve dans le secteur.

Paysage grisé

Par la suite, nous gagnons la grande et large vallée Visdalen, l’une des vallées principales du massif. Plus verte, elle est à cette heure de la journée, mise en valeur par une très belle lumière. Après plusieurs kilomètres et avoir empruntés quelques passerelles, nous arrivons au refuge Spiterstulen.

Au luxueux refuge Spiterstulen

Il s’agit d’un refuge privé relativement chic, avec de nombreuses dépendances. Nous nous installons de l’autre côté de la rivière, dans le coin des campeurs et retournons au refuge, en tongs. Dans le grand salon disposant de larges fenêtres panoramiques avec vue sur les montagnes, nous nous installons dans les fauteuils avec repose-pieds, pour nous relaxer de cette longue étape, chocolats chauds à la main. Nous en avons plein les jambes et près de 1 500 mètres de dénivelés nous attendent demain.


Jour 7 : Ascension du Galdhøpiggen
6h30 | 15,4km | +1 490/-1 490m

6h15, la tente est givrée, il fait 0°C. Après le petit déjeuner dans le bungalow des campeurs, qui est un peu pitoyable comparé au refuge, nous faisons partis des premiers à décoller pour l’ascension du plus haut sommet de Norvège et des Alpes scandinaves.

Avec juste un sac à dos très allégé, nous attaquons la montée. La première partie est raide et nous l’effectuons à un bon rythme, motivés par deux randonneuses situées un peu plus loin devant nous, que nous essayons de rattraper.

La ligne de crête entre les glaciers

S’ensuit un champ de pierres à perte de vue. En cette fin de saison, contrairement au mois de juin, il n’y a plus de neige. L’ascension s’effectue dans les éboulis. Nous gagnons ensuite la ligne de crête qui conduit au sommet. De part et d’autre s’étendent d’immenses glaciers. Nous atteignons le sommet vers 11h30. Les glaciers sont présents à 360°, le panorama est grandiose. Il y a un petit abri refuge-buvette, mais il n’est ouvert qu’en juillet et août. Nous restons plus d’heure et demie au sommet du Galdhøpiggen à 2 469 mètres d’altitude. Nous nous posons assis au soleil, à contempler le paysage.

Panorama depuis le sommet

La descente s’effectue par le même itinéraire. Ce fut une journée sans difficulté technique, mais qui nous a fait bien travailler les jambes. De retour au refuge, nous retrouvons nos fauteuils à repose-pieds. Nous avons également réservé le dîner, notre premier repas en refuge.


Jour 8 : Refuge Spiterstulen – Refuge Glittertheim
5h05 | 17,7km | +615/-305m

Nous avons mis la tente dans la salle de séchage, pendant que nous prenons le petit déjeuner dans le bungalow des campeurs. Elle en ressortira complètement sèche. Nous partons de bonne heure, cette fois pour éviter la pluie annoncée pour cet après-midi.

Une fois le haut plateau atteint, le ciel semble cataclysmique. Le panorama est toujours aussi beau, mais nous ne trainons pas et n’effectuons pas de pause. Pour cette étape, deux itinéraires sont possibles : soit en passant par le haut plateau que nous traversons, soit en effectuant l’ascension du Glittertinden, deuxième plus haut sommet de Norvège. Mais aujourd’hui, il doit certainement neiger là-haut.

La vallée Veodalen

Nous arrivons au refuge Glittertheim vers 13h. A cette époque de l’année, le refuge gardé est fermé, seul le refuge non gardé est ouvert. Nous espérons que quelqu’un s’y trouve déjà, car nous n’avons pas la clé norvégienne qui ouvre les refuges. Il n’y a personne, mais par chance, il n’est pas fermé à clé. Nous nous installons dans la pièce principale pour manger, après avoir allumé le poêle à bois. Nous profitons du garde-manger pour compléter nos provisions. Les refuges non gardés sont très confortables. Ils sont souvent refaits à neuf, disposent d’une pièce principale avec un poêle, qui fait office de salle à manger avec une cuisine aménagée et équipée d’une cuisinière à gaz. Ils comptent plusieurs petits dortoirs, un sas d’entrée pour laisser ses affaires humides, une petite salle de toilette (eau à récupérer à la rivière), d’un garde-manger fourni et parfois d’une salle de séchage. Pour l’électricité, c’est variable suivant l’ensoleillement.

Au refuge Glitterheim

Dans l’après-midi, arrivent bien mouillés, un couple de randonneurs allemands, puis deux jeunes randonneurs, dont nous ne connaîtrons pas la nationalité.


Jour 9 : Refuge Glittertheim (repos -pluie)
0h55 | 2,6km | +110/-110m

Les deux (sans nationalité) reprennent la marche, sans s’être inscrits dans le registre du refuge. Aucune chance après ça qu’ils règlent la nuitée. Avec les Allemands, on leurs a pourtant expliqués le fonctionnement des refuges norvégiens… En Norvège, tous les refuges sont payants pour les services et conforts qu’ils proposent, même les non gardés. Pour nous, c’est une journée repos : jeux, lecture, sieste, repas, discussions… En regardant la pluie tomber par la fenêtre.

L’intérieur du refuge

Avec Steffen, l’allemand, nous nous motivons pour une petite sortie, il pleut moins. Nous prenons de la hauteur vers le lac Nedre Steinbuvatnet pour essayer d’avoir un peu de réseau et pouvoir consulter les prévisions météo des prochains jours. Nous effectuons un petit tour d’une heure seulement, qui suffit à nous humidifier l’intérieur des chaussures. Steffen a lui poursuivi en direction du Glittertinden, mais il n’ira pas plus haut que 1 800 mètres d’altitude, bloqué par la neige.


Jour 10 : Refuge Glittertheim – Lac Bønhbøtjønne
6h25 | 21,5km | +685/-615m

Nous reprenons la marche ce matin, en nous dirigeant vers un col sous la grisaille, mais le ciel doit se découvrir dans la journée. C’est dans cette atmosphère tristoune que nous apercevons enfin, notre premier troupeau de rennes. Nous laissons aussitôt tomber nos sacs à dos et nous allons nous allonger derrière des rochers, téléobjectif fixé sur l’appareil photo. Il y en a huit et le cadre est parfait pour une séance de shooting photo. C’était pile le bon jour, pour nous remotiver à reprendre la route après cette journée de pause au chaud.

Un renne

Le petit col franchi, le ciel se découvre et nous laisse face un panorama de hauts plateaux et de glaciers. Le sentier descend ensuite vers le lac Russvatnet en forme de croissant. Nous faisons une pause déjeuner au bord de l’eau, avant de le longer jusqu’à atteindre le fond d’un cirque. Nous reprenons de la hauteur pour un second col et là, le spectacle est sublime.

Perchés en haut d’une ligne de crête, nous surplombons de nouveau le lac Gjende. Cette fois-ci, nous sommes au milieu du lac, en contrebas se trouve le refuge Memurubu. Vers le Sud-Ouest, le soleil se reflète dans ses eaux, faisant briller le lac d’une intensité éblouissante. Vers le Nord-Est, il s’est pourvu de sa teinte presque turquoise.

Nous avions éventuellement prévu de descendre vers le refuge Memurubu pour effectuer demain l’ascension d’un nouveau haut sommet dominant les glaciers. Mais nous préférons nous caler une nouvelle fois au bulletin météo : beau demain, pluie après-demain et mitigé le jour suivant. Si nous souhaitons une belle journée pour effectuer l’une des étapes phares du Jotunheimen, il nous faut la planifier pour demain.

Panorama sur la vallée

La crête de Besseggen est l’étape la plus populaire et fréquentée du parc national. Nous y sommes déjà, le tronçon va de Memurubu à Gjendesheim. Mais à cette heure de la journée, et en septembre, il n’y a que nous. Nous prévoyons de poursuivre sur les hauteurs jusqu’à trouver un bon emplacement de bivouac. Nous serons ainsi en décalage avec ceux qui prendront le départ demain matin depuis le refuge et ceux qui y arrivent en bateau depuis Gjendesheim.

Nous remontons la crête qui jouit tout du long d’un panorama exceptionnel. Sur l’autre rive du lac, nous apercevons le très beau lac Øvre Leirungen et sa rivière en forme de serpent. Le lac se trouve à l’écart des sentiers classiques, nous avons prévu de le rejoindre pour conclure notre voyage au Jotunheimen.

Bivouac au dessus du lac Gjende

Nous installons notre bivouac un peu avant le lac Bønhbøtjønne, sur la hauteur d’un petit lac sans nom. La tente est installée sur un emplacement et de façon à avoir, l’un des plus beaux spots du voyage. Nous avons une vue sur le lac Gjende depuis l’intérieur de la tente. Pendant que nous allumons le réchaud à bois, un nuage de pluie passe au-dessus du lac créant un arc-en-ciel qui sublime les couleurs du soir.


Jour 11 : Lac Bønhbøtjønne – Camping Mauravangen
6h15 | 15,7km | +720/-1 190m

Quelques tentes se trouvent en contrebas de notre bivouac, au bord du petit lac. Dommage, ils n’ont pas pu jouir du même panorama que nous avons eu. Il caille ce matin, le ciel est dégagé, il fait 0°C. Cela ne nous empêche pas d’effectuer un départ matinal avec toutes nos couches de vêtements. Nous partons, lorsque ça se réveille dans les autres tentes.

Avec l’arrivée des rayons du soleil, le spectacle est sublime quelque soit la direction vers laquelle nous regardons. La vue sur le lac Bønhbøtjønne qui surplombe le lac Gjende est invraisemblable. De l’autre côté, c’est le lac Øvre Leirungen qui prend ses couleurs. Puis, nous arrivons au lac Bessvatnet, nous y effectuons une petite pause avant d’attaquer LE passage.

La fameuse crête de Besseggen

Maintenant, la crête va être très étroite et raide, nécessitant de grimper avec les mains, avec un à-pic impressionnant de chaque côté. Nous sommes seuls depuis ce matin, nous avons le champ libre pour ce passage délicat. Il s’effectue assez bien, mais le vent souffle vraiment fort aujourd’hui, il nous faut rester vigilant. Lors de rafales, nous nous blottissons contre la paroi. Il ne faudrait pas perdre l’équilibre.

Nous effectuons une pause déjeuner au niveau d’un replat, nous permettant de contempler le paysage surréaliste de la crête de Besseggen. A gauche se trouve l’immense lac Gjende d’un bleu turquoise dû aux sédiments de la fonte de glaciers qu’il contient, à droite en surplomb, le lac Bessvatnet d’un bleu vif, et au milieu, la ligne de crête qui s’étend.

Panorama de la crête de Besseggen

Ce passage franchi, nous croisons quelques randonneurs qui arrivent en contresens et nous gagnons le sommet Veslfjellet qui marque le point culminant de Besseggen. S’ensuit une traversée d’un petit désert rocailleux et une longue descente qui nous ramène à notre point de départ où nous avions pris le bateau, à Gjendesheim.

Nous poursuivons la marche jusqu’à la périphérie du parc, pour rejoindre le camping Mauravangen. Nous y louons pour deux nuits, un mini chalet typique norvégien, à la toiture végétalisée. Cette studette est composée de lits superposés, d’une table avec deux fauteuils, d’une kitchenette et surtout, d’une vraie cheminée, c’est le top confort pour nous ! Nous passons évidemment la soirée au coin du feu.


Jour 12 : Camping Mauravangen (repos – pluie)
0h00 | 0,0km | +0/-0m

Comme prévu, il pleut, mais il fait 22°C dans notre cabane. Nous passons une journée de repos dans notre maison de troll. Nous en profitons également pour compléter nos vivres pour les jours restants dans l’épicerie du camping.

Le camping Mauravangen

En fin de journée, un rayon de soleil nous pousse à sortir pour effectuer le tour du village des chalets norvégiens. Il y en a de toutes tailles, ils sont superbes. Nous effectuons aussi un petit tour dans le bois de bouleaux qui borde le camping. Les couleurs d’automne sont arrivées, c’est splendide.


Jour 13 : Camping Mauravangen – Lac Vargevatnet
4h40 | 15,7km | +335/-205m

Nous décollons seulement vers midi. Pour nos trois derniers jours, nous gagnons le secteur du lac Øvre Leirungen. Nous avons repéré deux randonnées pour nous conduire sur des sommets offrant une vue plongeante sur ce lac. Pour l’heure, nous allons rejoindre le secteur en vue d’effectuer les ascensions les jours suivants.

Le long du lac Gjende

Nous faisons le tour du lac Nedre Leirungen dans un paysage bucolique. Cela nous change de l’environnement minéral des hauts plateaux. Avec l’automne, tout est très coloré. Nous passons dans un corps de ferme, croisons des moutons… Nous gagnons ensuite le lac Gjende, encore, mais sur sa rive Sud, par un sentier très peu fréquenté. Il nous faut le chercher à plusieurs reprises.

Nous arrivons à l’embouchure du lac Øvre Leirungen, qui se jette par une petite cascade dans le lac Gjende. Ce lac est sublime, aux milles couleurs ! Nous remontons sa rivière dans la prairie presque jaune à cette époque de l’année, jusqu’au lac Vargevatnet où nous installons la tente.

Un pâturage coloré

Durant la soirée, nous mangeons dans le grand vestibule de la tente, pour s’abriter du vent. Mi-septembre est passé, les soirées commencent à être fraîches. Nous voyons un petit groupe revenir du Bukkehåmåren, le sommet que nous visons après-demain. Une fille sort du sentier pour se diriger vers une tente voisine et discuter avec les personnes. Puis, elle vient nous voir à la porte de notre tente, nous sommes encore en train de manger. Elle nous raconte à quel point l’ascension a été difficile et la journée longue, avant de s’en aller… Que devons-nous en penser ?


Jour 14 : Lac Vargevatnet – Rivière Leirungsåe
4h30 | 12,4km | +520/-520m

Météo oblige, nous décollons tardivement. Aujourd’hui, nous prévoyons de rejoindre le Knutshøe, un sommet culminant à 1 515 mètres d’altitude. La boucle n’est pas très longue et ne présente pas de difficulté. Il s’agit de suivre une ligne dorsale de cette grosse colline longitudinale et de revenir en longeant son pied, le long de la rivière Leirungsåe.

Le lac Øvre Leirungen

La première partie offre un panorama sur son versant Nord, sur le lac Nedre Leirungen bordé de bouleaux. Vers le milieu, c’est le versant Sud qui se dégage, offrant une vue plongeant sur le spectaculaire lac Øvre Leirungen. Sur la dernière partie, c’est le lac Gjende qui se laisse admirer. Nous ne croisons ici que quelques randonneurs norvégiens. Nous sommes loin des sentiers touristiques.

Un troupeau de rennes

Au bout de la ligne de crête, nous redescendons sur le lac Øvre Leirungen. Comme hier, nous le contournons et longeons la sinueuse rivière Leirungsåe. En chemin, nous apercevons et suivons un grand troupeau de rennes pris dans un écrin de couleurs automnales. Nous les suivons de loin, ils remontent aussi la rivière, par l’autre rive. Arrivés au pont, nous passons également sur l’autre rive, pour nous trouver un emplacement de bivouac au bord de la rivière. Nous sommes à moins d’un kilomètre de notre campement d’hier. Nous avons toute la vallée rien que pour nous, avec quelques rennes qui broutent au loin.


Jour 15 : Rivière Leirungsåe – Lac Vargevatnet
5h00 | 14,6km | +890/-890m

Nous sortons de la tente, les rennes sont toujours présents, l’ambiance est magique. La journée commence par une traversée de la prairie qui scintille de multiples couleurs d’automne, mises en valeur sous les rayons du soleil. Avant d’attaquer la montée pour le sommet Bukkehåmåren, nous apercevons un nouveau troupeau de rennes. Il y en a beaucoup dans le secteur.

La montée jusqu’au lac Bukkehåmåtjønne est un peu raide, mais pas très longue et elle s’effectue tranquillement. Au lac, nous cachons nos sacs à dos derrière un rocher, afin de s’alléger pour l’ascension. A partir d’ici, nous allons monter sur une ligne de crête. A voir le relief, il doit être possible d’effectuer tout le tour du lac par les hauteurs et de revenir ici en effectuant une grande boucle.

Le rocher suspendue du Bukkehåmåren

La seconde partie de l’ascension ne présente pas plus de difficulté. La Norvégienne de l’autre soir ne devait pas être habituée à gravir des montagnes ou a dû effectuer une autre ascension… Nous débouchons sur une brèche en milieu de crête. Un rocher suspendu dans le vide permet de faire de sympathiques photos, avec en contrebas, le lac Øvre Leirungen, nous ne devons plus être très loin du fameux point de vue que je recherche !

Avant notre départ, j’avais repéré sur le web une sublime photo du lac Øvre Leirungen, bordé par la crête du Knutshøe, avec les lacs Gjende et Bessvatnet en second plan. D’après l’angle de la prise de vue, la photo n’a pu être faite que dans le secteur du Bukkehåmåren. Lors de notre premier voyage en Norvège, dans les Alpes de Lyngen, j’avais là aussi repéré une photo hors norme sur le web qui m’avait poussé à tracer un itinéraire vers la gorge de Strupen. Cela avait été toute une épopée rocambolesque pour réussir à atteindre le belvédère. Au final, notre photo ne ressemblait en rien à celle repérée, la météo n’ayant pas été de la partie. Mais cette folle journée et la satisfaction d’avoir réussi à atteindre le belvédère en valaient mille.

Panorama sur le parc du Jotunheimen

Le sommet du Bukkehåmåren atteint, nous en prenons plein les yeux. Il est un super finish pour notre tour du Jotunheimen. Il offre un panorama sur de nombreux sommets et glaciers du parc, ainsi que le point de vue que nous recherchions. Les couleurs et le soleil d’automne, ainsi que le manque de nuage dans le ciel pour donner plus d’éclat aux paysages, ne subliment pas autant notre photo, mais nous l’avons et surtout, nous pouvons contempler ce panorama de nos yeux.

Les lacs Gjende et Øvre Leirungen

Ce bouquet final se suffisant à lui-même, nous décidons de redescendre par le même itinéraire et de ne pas nous lancer dans une boucle sur la ligne de crête. Nous récupérons nos sacs à dos et une fois dans la vallée, nous retraversons la rivière Leirungsåe pour retrouver notre emplacement de bivouac de l’avant-veille, au bord du lac Lac Vargevatnet.

Nous sommes le 19 septembre, les soirées sont bien plus fraîches qu’aux premiers jours. Il devient difficile de rester dehors. Il n’y a pourtant pas de vent ce soir, mais nous mangeons tout de même dans le vestibule de la tente. Il ne fait pas chaud et surtout nous sommes bien refroidis. Le corps sent que c’est la fin et commence à se relâcher.


Jour 16 : Lac Vargevatnet – Parking Vargbakkane
2h50 | 7,6km | +455/-455m

Il fait -5°C au réveil, cette nuit a été la plus froide du séjour. La tente est toute blanche de givre, il y a une légère brume matinale et le lac a commencé à geler. C’est splendide. Pendant que le soleil fait fondre le givre de la tente, nous effectuons une séance photo. Nous ne sommes pas les seuls, plusieurs photographes sont arrivés tôt pour immortaliser l’automne.

Notre dernière bivouac dans le parc

Le parking le plus proche n’est qu’à quinze minutes de marche. C’est d’ailleurs notre porte de sortie. Profitant d’avoir un peu de réseau hier, nous avons réservé nos billets de bus retour. Celui-ci marque l’arrêt à la demande au petit parking qui borde la route. Nous devons y être pour 14 heures. Nous profitons de notre dernière matinée pour remonter au sommet du Knutshøe en aller-retour et profiter du soleil.

Notre tour du Jotuheimen touche à sa fin. Le bus nous ramène à Fagernes où nous retrouvons le petit camping paisible du premier jour. Le lendemain, nous prendrons un bus pour rejoindre la ville de Bergen afin d’y passer quelques jours.