Le récit

Highlands – Terre sauvage
Vagabondage dans les Hautes Terres

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Ne disposant que de peu de temps pour m’évader cet été, j’en profite pour rejoindre une destination toute proche, en l’Europe, et qui pourtant m’attire depuis un moment. Les Highlands d’Ecosse sont synonymes pour moi de grands espaces vierges, de terre à découvrir. Ils renferment des mythes et des légendes, dans un paysage qui m’est encore inconnu.

Pour ce voyage dans les Hautes Terres d’Ecosse, je suis accompagné de Sylvie, une bonne amie marcheuse, grimpeuse et alpiniste avec qui je voulais faire une petite évasion depuis un moment. Ce vagabondage dans les Highlands sera notre terrain de jeu. Vagabondage, car notre itinéraire n’est issu d’aucun guide, d’aucun sentier de randonnée, mais simplement de ma tête en regardant les cartes de la région.

 

Jour 1 – 11 juillet : De Achnasheen à Inverchoran
Départ : 15h – Arrivée : 20h50 | +480/-435m – 21km – 5h35

En route pour les Highlands, je profite du trajet en train pour tracer notre itinéraire sur nos cartes toute neuve et ainsi faire découvrir le détail de notre semaine à Sylvie, ainsi que les surprises qui nous attendent. Un parcours concocté maison.

Nous descendons à la petite gare de Achnasheen, perdu au milieu de nulle part. Le ciel est complètement bleu, il n’y pas un nuage à la ronde, laissant ainsi briller le soleil. Nous enfilons donc nos tenues Ecossaise, les kilts ! Une mini-jupe d’un Tartan rouge et vert pour Sylvie, et un kilt mauve et blanc de 1,3 kg pour moi. Un poids lourd qui est bien mieux sur moi que dans mon sac.

Après un petit kilomètre de route, nous empruntons un petit pont de bois pour enjamber le Loch Gowan. Nous sommes ainsi, de suite, plongés dans ce paysage magnifique des Highlands. Les montagnes sont là, juste devant nous.

Nous remontons une vallée verdoyante en direction du petit col de Mhartuin. La journée est belle, le vent souffle fort. Il nous protège ainsi des moustiques et surtout des midges qui sont le cauchemar de ce pays. Les midges sont une sorte de petits moucherons, très rependu en Ecosse, qui attaquent en essaim pour vous mordre. Pour lutter contre, nous avons une moustiquaire de tête aux mailles serrées et une lotion de peau « Skin to Soft ». Elle est connue pour être une bonne protection corporelle contre ses bestioles (les anti-moustiques traditionnels n’ayant aucun effet). Mais lors de la traversée d’un petit bois, à l’abri du vent, ceux sont d’autres insectes qui nous tombent dessus, des taons… C’est sauve qui peu et c’est au pas de course que nous passons.
Heureusement, nous faisons d’autres rencontres. Un peu plus loin, Sylvie s’arrête net, bouche-bée, montrant d’un doigt un cerf. Il est juste là devant nous, immense, prestigieux, avec des bois impressionnant ! Plus loin, c’est cinq chevreuils qui se trouvent sur le sentier. Notre séjour commence plutôt bien côté rencontre animalière.

Loch Beannacharain

Nous arrivons sur le bord du loch Beannacharain, où sur sa rive se trouve le petit lieu-dit de Scardroy, constitué de deux maisons, et d’une ferme. Mais nous ne croisons personne, juste des cerfs, des moutons et des vaches des Highlands. Rousses, poilues avec une petite frange sur les yeux et aux longs cornes fines.

Notre itinéraire nous fait passer sur l’autre rive du loch, mais pour cela, nous devons d’abord remonter la rivière Meig jusqu’à un pont puis revenir sur nos pas… Nous optons pour un passage à gué, sous le soleil, c’est des plus agréable, même si les galets au fond de l’eau manquent de nous faire faire un plongeon.

Nous suivons la rive sud du loch où le sentier devient de plus en plus étroit. D’un coté nous sommes au plus prés de l’eau, et de l’autre, la montagne vient nous coller de plus en plus. Puis un éboulement de terrain bloque complètement la suite alors que nous sommes pile au milieu du loch Beannacharain qui fait six kilomètres de long. Pas question de faire demi-tour pour changer de rive. Deux solutions s’offrent alors à nous, passer à la nage sur cinq cent mètres, mais je le sens plutôt moyen ou prendre de l’altitude sur la montagne qui vient se jeter dans l’eau pour trouver un passage en devers un peu plus haut.

Ni une, ni deux, grimpeuse dans l’âme, Sylvie prend la tête et commence l’escalade dans la végétation. Nous trouvons bien un passage en suivant des traces d’animaux.

Nous stoppons notre journée un peu plus loin, juste après le lieu-dit de Inverchoran. Il est vingt et une heure, mais il nous faut encore installer le bivouac, ramasser et préparer du bois pour notre réchaud à bois, afin de passer une agréable soirée au coin du feu.

 

Jour 2 – 12 juillet : De Inverchoran au loch Mòr
Départ : 8h25 – Arrivée : 18h50 | +1180/-735m – 27km – 8h40

Fini le soleil, nous voilà plongés dans une météo Ecossaise. Il pleut et les nuages sont bien bas.

Nous profitons d’une accalmie pour vite plier bagage et commencer notre journée par la remontée de la vallée de Gleann Chorainn. Le paysage est toujours aussi vert et splendide, un panorama typique des Highlands. D’un même vert aussi bien dans le fond de vallée que sur les crêtes qui nous dominent. Une rivière serpente dans toute la largeur de la Gleann Chorainn, nous la traversons une dizaine de fois. Heureusement il y a suffisamment de pierres pour nous éviter de nous déchausser, mais parfois, mon pied fait plouf.

Avec ce temps, j’ai préféré ce matin opter pour le sur-pantalon, j’ai peur que mon kilt se retrouve gorgé d’eau et ne devienne une véritable plaie à porter. Mais en cours de matinée, avec une accalmie, je le sors pour le porter par-dessus mon sur-pantalon. Je me dis qu’il faut bien je joue le jeu jusqu’au bout.

Nous passons le petit col de Torran Ceann Liath offrant une vue grandiose sur son versant opposé. Le loch na Caoidhe plongé au milieu des montages verdoyantes dont les crêtes sont masquées par un ciel couvert. Nous longeons sa rive où nous trouvons en son bout des ruines d’une vielle maison en pierre. Nous sommes dans un cliché typiquement Ecossais, en plus, il pleut !

Nous remontons cette nouvelle vallée où nous trouvons le long de la rivière Orrin. Le coin est totalement sauvage, difficile à croire que nous sommes en Europe, nous ne suivons même plus de sentier. Une véritable évasion. Le problème, c’est que le sol est marécageux. Les pieds humides, mouillés, trempés… Puis gorgés d’eau. Ca fait floque floque. Concentrés à trouver des passages, et caché par le manque de visibilité, nous loupons le col Dubh qui doit nous faire changer de vallée. Nous faisons un brin demi-tour et passons le col dans un brouillard total, j’en perds de vue Sylvie.

En haut, je me rends compte que nous avons perdu beaucoup de temps dans les marécages. Nous n’aurons jamais le temps de remonter toute la crête que j’avais prévu pour atteindre le Sgurr na Fearstaig à 1015 mètres.
Nous pourrions tenter de monter directement au sommet, et zapper la crête, les montagnes sont plutôt faciles, cela doit être faisable de trouver un passage. Mais le brouillard nous cache toute visibilité, et des barres rocheuses se cachent de temps en temps.

Nous optons finalement pour rejoindre directement notre prochaine étape, le loch Monar.

Ruine de Caoidhe

Après cinq heures de marche sans pause, une éclaircie dans le ciel et un rocher pour nous protéger du sol humide s’offrent à nous. Mais à peine sommes nous installés, que des escadrons de midges nous attaquent. Branlebas de combat ! Nous enfilons nos moustiquaires, nous nous aspergeons de notre lotion et nous prenons nos jambes à notre cou le long du loch. Un loch de treize kilomètres de long.

Heureusement nous ne le longeons que en son extrémité.

La pluie nous retombe dessus, mouillés et fatigués, nous cherchons désespérément un coin pour enfin nous poser, se reposer et manger. C’est un peu plus loin que nous tombons sur l’écurie de la lodge Monar (qui n’est pas un refuge). Ca pue, c’est crade, mais nous sommes heureux.

L’après-midi se poursuit toujours sous la pluie, faible mais constante. Notre marche emprunte un bout de route pour franchir un barrage, qui ne crache pas d’eau et une centrale hydro-éclectique. Cette portion ne dur pas, nous retrouvons vite une nouvelle vallée verte. Pendant sa remontée, je profite d’un arbre mort pour faire le plein de bois pour la soirée. Le combustible manquant un peu dans le secteur, mais surtout, il est toujours bien humide, comme nous.

Au fur est à mesure que nous prenons de l’altitude, le temps s’améliore, pour laisser place au soleil qui illumine le loch Mòr enfermé dans un petit cirque. Notre bivouac s’annonce paradisiaque. Après cette longue journée pluvieuse, nous passons toute notre soirée dehors, sous le soleil. Même les midges ne pourront venir gâcher ce moment agréable et de détente. La fumée dégagée par le réchaud à bois est notre arme ultime, ils n’aiment pas la fumée, ils fuient !

 

Jour 3 – 13 juillet : Du loch Mòr au col Bealach Croire Ghaidheil
Départ : 8h50 – Arrivée : 20h30 | +1240/-1140m – 23km – 9h50

Incroyable, ce matin, c’est le soleil qui vient nous réveiller à travers la tente ! Ca tombe bien, nous arrivons à notre deuxième sommet, et j’espère bien pouvoir y grimper.

Bizarrement, un sentier monte jusqu’au loch Mòr, mais il ne se poursuit pas jusqu’au sommet. Nous traçons donc notre propre itinéraire pour l’atteindre. Pendant la montée vers Sgurr na Lapaich à 1150 mètres, nous avons la chance de voir un troupeau de cerfs de plus d’une trentaine de têtes. Toujours avec de très grand bois.

Entre la montée et le soleil qui persiste, nous avons de plus en plus chaud, c’est presque la canicule. Je me dis que c’est le bon moment pour moi de me mettre à porter le kilt à l’Ecossaise.

Au sommet, la vue est spectaculaire, dégagée, nous voyons les vallées par lesquelles nous sommes arrivés et celles que nous allons emprunter, ouahou, c’est encore loin !

Pendant la descente, Sylvie aperçois un névé un peu à l’écart de notre itinéraire, mais il a l’air accessible, nous ne résistons pas. Finalement il l’est un peu moins que ce que nous le pensions, et l’accès demande un peu de déscalade. Ce n’est pas grave, l’appel d’aller s’amuser dans la neige est trop grand.

La vallée que nous descendons est tout aussi humide et verte que les précédentes, mais cependant, avec une certaine particularité. J’aperçois à différents endroits des touffes d’un vert vif clair, presque phosphorescent, comme en Islande à proximité des sources chaudes. Je plonge la main dans le ruisseau, l’eau est froide, dommage.

La descente pour arriver jusqu’au loch suivant est longue, mais variée. Agréable à parcourir avec une rivière offrant plein de petits bassins naturels qui n’incite qu’à la baignade. Vraiment dommage qu’il n’y aie pas de source chaude.

Lorsque nous arrivons sur la rive du loch Mullardoch, nous passons devant une maison, qui même s’il n’y a personne au moment de notre passage, semble loin d’être abandonnée. Pourtant au milieu de rien, sans route, sans piste, sans sentier, elle n’est accostable uniquement qu’en bateau depuis le loch.

Nous poursuivons le long du loch que nous devons contourner sur prés de huit kilomètres. Dans un premier temps, nous le longeons en traversant de hautes herbes, dans lesquelles se noie parfois Sylvie. Et dans lesquelles des tiques nous attendent. Décidemment, où que j’aille, elles me choppent les mollets celles là, je ne m’attendais pas en trouver ici.

Dans un deuxième temps, après avoir passer une nouvelle ruine au bord du loch, nous le longeons au plus prés de l’eau, sur une plage de cailloux. La réverbération du soleil sur le loch et la chaleur dégagée par les pierres me poussent à aller faire trempette. Malheureusement, seules mes jambes en profiteront, les nuages arrivant, la température descendant, et la pluie n’étant pas loin, il est temps de remettre les chaussures aux pieds.

La pluie de tarde pas à nous canarder, nous marchons tête baissée le long de la rive, lorsque d’un coup, j’entends du remue-ménage dans l’eau, j’ai juste le temps d’apercevoir quelque chose à la surface avant que celui-ci ne plonge. Trop gros pour être un poisson, nous sommes encore loin du loch Ness, et je n’ai jamais entendu parler du monstre du loch Mullardoch !? Je ne saurai finalement pas ce que c’était, et Sylvie se fout de ma gueule…

Loch Mullardoch

Le bout du loch est une zone marécageuse, ce n’est même plus la peine de chercher où placer son pied, tout est complètement trempé, et nos chaussures font floque-floque. Il faut juste faire attention à ne pas trop s’enfoncer dans la bout. Nous contournons l’extrémité pour atteindre l’autre rive dans une zone inhospitalière aux piétons, à moins d’être munis d’une tenue de pécheur.

Il ne nous reste plus qu’un gué à traverser et nous en aurons fini avec l’humidité du sol, il nous restera plus que celle du ciel ! Ce qui est agréable avec les gués en Ecosse, c’est que contrairement à tous ceux que j’ai pu déjà passer, l’eau ne nous glace pas les pieds. Les rivières ne sont pas issues de la fonte de glacier. Il en est du coup presque plaisant de les traverser. Sauf que pour celui-ci, alors que nous sommes de l’autre coté, nous sommes pris dans un guet-à-pan ! En équilibre entrain de rechausser nos chaussures sous la pluie, un nuage de midges nous attaquent… Nooooon ! Pas sous le kilt !!! Nous voilà plein de petits points rouges le long des jambes.

Maintenant, quelque soit la météo, je ne porte que mon kilt. Je me suis aperçu qu’il résistait très bien à la pluie. Les gouttes restent en surface, mais n’empreignent pas le Tartan. En fin de journée, il n’est pas plus mouillé que ma veste gore-tex. J’évite juste de m’asseoir sur le sol humide avec.

Nous pénétrons dans une nouvelle vallée où nous comptons bivouaquer, au pied du col. Mais nous nous rendons vite compte que cela est impossible. Cette vallée est bien pire que les autres, le sol est gorgé d’eau, complètement saturé. J’ai l’impression de marcher sur une éponge bien trempé sur laquelle il continue de pleuvoir. L’eau arrive de partout, elle tombe du ciel, dégouline des montagnes, il y a des dizaines et des dizaines de cours d’eau cachés par la végétation. Une fois sur deux, je mets le pied dans l’eau. Je les sens tout fripés. Je n’ai aucune idée de comment nous allons faire pour dormir dans le secteur.

Notre seule solution est de monter au col ce soir, mais il est encore loin… C’est seulement vers les vingt heure que le ciel se dégage, après quatre heures de marche dans les marécages et sous la pluie, nous arrivons enfin au col. Il est tout de même bien plus humide que ce que nous aurions pu croire, mais ça fera l’affaire.

 

Jour 4 – 14 juillet : Du col Bealach Croire Ghaidheil au Loch Beinn a Mheadhoin
Départ : 9h35 – Arrivée : 19h05 | +880/-1315m – 27km – 7h50

Le ciel change plus vite que nos pieds de chaussettes. De gros nuages dissimulent les sommets que nous devons rejoindre.
Nous montons progressivement à flanc de montagne, l’itinéraire offre un panorama spectaculaire sur la vallée que nous avons traversée hier, la vue est de toute beauté. Nous rejoignons notre premier sommet du jour, un petit point haut sur une crête nommé Cairn, culminant à 1108 mètres. Mais déception, il n’y a même pas de cairn au Cairn ! Nous passons donc une petite demie-heure à porter des cailloux.

Entre brouillard et percée, la marche continue sur la crête, où se trouve la ruine d’une maison. Que fait elle si haut perchée ? Puis nous atteignons le Mam Sodhail à 1180 mètres, indiqué par un cairn gigantesque de deux mètres de haut ! Celui que nous venons de construire parait ridicule à coté de celui là.

La crête s’amincit, le brouillard s’intensifie, l’ambiance est mystérieuse. Le dernier sommet, le Carn Eige culminant à 1183 mètres, se fait dans climat imaginaire, typiquement Ecossais. Il est le point le plus haut de la région, mais pourtant ne distinguons rien du tout. Le panorama est blanc à 360°, nous ne voyons strictement rien… Ca nous rappelle notre ascension du Mont-Blanc, également en plein brouillard.

La crête vers le Carn Eige

Avant de redescendre de la crête, nous devons d’abord la prendre à rebrousse chemin jusqu’au Mam Sodhail. Mais lorsque nous sortons du brouillard, et quand la lumière fut, nous nous rendons compte que nous sommes passés sur une autre crête sans nous en apercevoir. C’est une crête qui est perpendiculaire à celle que nous suivions.

Hier soir sous la tente, en regardant la carte, nous avions pensé la prendre, mais n’étant pas sur de pouvoir en descendre sur la vallée que nous devons rejoindre, l’idée avait été abandonnée. La voilà à nouveau au goût du jour. Nous continuons donc dessus, et nous verrons bien.

Arrivé à mi-distance, nous voyons bien qu’une barre rocheuse risque de nous bloquer pour rejoindre la vallée si nous poursuivons jusqu’au bout. Nous prenons donc la direction de la vallée, en descendant un peu à l’arrache de cette crête.

La vallée rattrapée, nous la suivons le long de la rivière Alt Croire Leachavie qui est aussi un cours d’eau aménagé de plusieurs bassins naturels en cascade. Dommage que le soleil ne tape pas fort aujourd’hui, car ils sont de vrais invitations à se baigner.

Crête vers le loch Affric

Nous arrivons sur les rives du bord du loch Affric, il se situe dans la réserve naturelle du Glen Affric, une région plus fréquentée que celles que nous avons traversée ces derniers jours. Et cela se voit de suite, un sentier large et sec longe les dessus du loch.

Accroupi à nouer un de mes lacets, je relève la tête attiré par un bruit… Là, j’aperçois non pas une, mais trois personnes qui se baladent autour du loch Affric ! J’en reste bouche-bé comme Sylvie au premier jour, lorsqu’elle avait aperçu le grand cerf. Je ne sais même plus en quelle langue je dois les saluer. Après ces quelques jours d’isolement, je ne m’attendais pas à tomber aussi rapidement sur d’autres personnes.

Nous suivons cette piste dans le parc, qui, nous enthousiasme moins que les Highlands sauvage. L’itinéraire est long et contrairement à tous ceux que nous avions lus et entendus, le Glen Affric n’est pas pour nous une merveille de la nature. Nature, ne rimera jamais avec bulldozer…

Cap vers l’Est, sous une longue pluie interminable, c’est le loch Beinn a Mheadhoin que nous longeons au milieu de la forêt Guisachan. Le manque de place pour un bivouac, le ciel ne se calmant pas, nous oblige à continuer à marcher. Et les taons habitant les lieux ne nous autorisent à aucune pause.

Une fois que nous avons trouvé un petit coin qui nous plait pour nous installer, nous nous dépêchons de faire notre corvée du soir, le ramassage de bois, afin d’allumer le réchaud rapidement. Un anti-moustique indispensable au milieu de la forêt. Mais le bois est si mouillé, qu’il me faudra aujourd’hui trois Esbit (combustible solide) pour réussi à démarrer le feu. Ce réchaud est notre camp, notre cuisine, notre radiateur, notre sèche chaussettes…

 

Jour 5 – 15 juillet : Du col Loch Beinn a Mheadhoin à Lochletter
Départ : 8h35 – Arrivée : 19h20 | +400/-615m – 28km – 7h30

Nous quittons rapidement la forêt pour nous retrouver sur une petite route de campagne. Nous passons par quelques petits villages, pâturages de moutons et vaches poilues avant d’arriver à Cannich.

Cannich est notre premier point de ravitaillement depuis notre départ. Nous trouvons ici une petite superette qui nous permet de faire le plein de vivre pour les prochains vingt-quatre heures. Et nous profitons pour nous arrêter à la terrasse d’un restaurant. Nommé « The Glen Affric », il est pourtant plus proche du style motel américain avec une décoration à la Harley Davison. Le patron, pourtant Ecossais, a aussi un style très US. A chaque fois qu’il nous répond, c’est par un « Ok ! Good ! » en levant les pousses de ces deux mains. Fort sympathique, il nous fera tout de même bien rire.

Nous optons pour la spécialité du chef, un bon gros et délicieux burger frite. Un vrai régal.

Miam-miam

La portion suivante, qui nous permet de rejoindre la région du Loch Ness, est la moins intéressante de notre itinéraire. Nous prenons le seul passage possible, une route à forte circulation (enfin pour l’Ecosse) sur sept kilomètres. En plus alors qu’il faisait si beau au matin, d’un coup la pluie s’abat sur nous. C’est un vrai calvaire… Sylvie tire la tronche, elle ne comprend pas que je ne souhaite pas faire de stop.

Sortis de ce goudron, nous faisons un petit détour pour voir un monument historique, le « Corrimony Cairn », une chambre funéraire sous un cairn. C’est impressionnant de voir qu’en Ecosse, il existe encore beaucoup de site où les pierres sont restées debout.

Le mot cairn vient d’ailleurs de l’écossais « càrn » qui peut désigner plusieurs types de collines ainsi que des amoncellements naturels de pierres.

Nous pénétrons dans le bois de Shewglie. C’est le même épisode que la veille qui se répète, une longue forêt sans possibilité de planter la tente, et la pluie qui ne veut pas nous laisser de répit. C’est le troisième soir de suite, ca devient chiant. Tout en marchant, nous rêvassons à un refuge qui pourrait nous accueillir, au sec, au chaud pour une bonne nuit… Enfin une simple cabane pourrait faire l’affaire. Mais depuis notre début de notre marche nous n’avons jamais rien vu de tel.

A l’approche du Hameau de Lochletter, je propose à Sylvie de quitter le bois pour trouver un coin plus propice au bivouac. Et puis je ne sais pas, un sixième sens me dit de prendre le sentier qui sort de cette forêt.

Nous ne faisons même pas deux cents mètres, que nous tombons sur un petit refuge d’information est en construction ! Les murs ne sont pas fini, mais il dispose d’un toit ! Il sera notre terre promise d’un soir.

Il y a suffisamment d’espace pour y faire sécher la tente avant de l’installer à proximité, et de préparer le souper.

Nos pieds sont encore ce soir une fois tout fripés et ils apprécient d’être au plus prés des flammes de notre feu.

 

Jour 6 – 16 juillet : De Lochletter à l’Abriacham Foret
Départ : 9h10 – Arrivée : 18h35 | +670/-550m – 26km – 6h30

Nous tardons à prendre la marche, nous profitons du soleil avant de partir pour finir de sécher nos affaires étalées un peu partout.

Nous quittons rapidement le bois, pour arriver sur les hauteurs de Drumnadrochit. Le point de vue offre un panorama sur le loch Ness. Large de seulement un kilomètre et demi, il s’étend par contre sur trente-neuf kilomètres, nous n’en voyons pas ses extrémités. C’est une véritable mer intérieure. Je comprends mieux comment une légende comme celle du Nessie peut persister jusqu’à nos jours.

Nous rejoignons le village par un petit raccourci. Celui-ci nous fait passer à travers de hautes fougères, plus grandes que nous. Cela fait souvent parti des petites surprises des itinéraires concoctés maisons…

Nous faisons un petit détour pour nous rendre aux ruines du château Urquhart situées sur une colline sur la rive du loch Ness. Après nos débuts en zone sauvage, nous pénétrons maintenant dans un bain de foule. Il n’y a pas loin d’une dizaine d’autocar sur le parking du site. Mais ce château datant du XIIe siècle mérite toute de même le détour, ces ruines au bord du loch sont une merveille. Nous passons un moment à visiter le château, jusqu’au sommet de sa tour. Là où, une certaine prudence s’impose. Je préfère laisser passer devant moi un groupe de jeunes filles, qui sourissent. Le kilt à l’Ecossaise demande une certaine discrétion.

Château Urqubart

Quant à la baie Urquhart qui se trouve face village, est un lieu d’apparition favori de Nessie. Mais nous ne verrons rien aujourd’hui. Il fait trop beau pour cela, le monstre ne doit sortir que par jour de brouillard afin de maintenir le mystère.

Nous faisons une halte rapide à Drumnadrochit, afin de nous ravitailler pour nos prochaines et dernières vingt-quatre heures. Si habituellement, j’aime bien visiter des sites touristiques, le faire cette fois ci en plein milieu d’une randonnée m’épuise. Je suis content de sortir de cette foule, et de reprendre le sentier.

A partir de maintenant, nous suivont la Great Glen Way (G.G.W.). C’est l’une des deux grandes randonnées les plus couru d’Ecosse. Son itinéraire, part de Fort William pour longer la faille géologique de Glen Mòr dans laquelle s’étire le Loch Ness jusqu’à Inverness.

Nous croisons donc plusieurs randonneurs durant l’après midi. Nous nous sentons moins seuls dans ce pays au climat rigoureux. Sylvie les plaint de les voir marcher avec de si gros chargement sur le dos. Et elle admiratif devant une fille qui marche seule avec un sac plus haut que sa tête. La pauvre, si elle savait ce qui l’attend…

Nous trouvons pour le soir une hutte tout en bois. Suffisamment grande pour y monter la toile de tente intérieure, afin qu’elle face office de moustiquaire.

Nos pieds commencent à être dans un sale état à marcher sous la pluie. Sylvie a en plus le mollet tout gonflé par les piqures de moustiques. Il est temps que nous arrivions.

 

Jour 7 – 17 juillet : De l’Abriacham Foret à Inverness
Départ : 9h45 – Arrivée : 14h05 | +100/-305m – 18 km – 3h40

Mince, j’aurai du monter la tente complètement hier soir. J’ai dû me relever pendant la nuit pour mettre la toile extérieure, il y a eu quelques fuites dans le toit la hutte. Dont une juste au dessus de ma tête !

Nous nous lançons pour nos derniers kilomètres sur la Great Glen Way. Nous croisons à nouveau des randonneurs qui eux, débutent leur marche. Même si nous avons eu des difficultés à effectués notre vagabondage hors des sentiers battus, je ne le regrette pas. Ce sentier tout prêt nous emballe moins que le début de notre périple.
En plus, il ne fait vraiment pas beau aujourd’hui. Notre arrivée à Inverness se fait sous une météo tristounette.

Le Nessie dompté

Nous passons l’après midi à Inverness, où je suis, comme depuis le début du voyage, le seul en kilt.